S’il est une croyance à la mode, c’est bien
celle ayant trait à une transformation des âmes qui donnerait lieu à
toute une série d’existences successives sous les formes les plus
variées, la même âme pouvant animer successivement plusieurs corps. Une
enquête de 1983 révélait même qu’une telle croyance était partagée par
près d’un quart des Français !
La croyance en la réincarnation : des origines variées et des contours souvent flous
Appelée parfois métempsycose, cette doctrine, qui peut faire penser à
certains éléments des religions traditionnelles africaines, nous vient
surtout de l’Orient et de l’Inde plus spécialement. « On lui emprunte
l’idée du karma, c’est-à-dire d’une rétribution à long terme : dans une
existence future on paiera les conséquences d’une vie désordonnée ou on
cueillera les fruits d’une conduite vertueuse mais aujourd’hui
malheureuse. On oublie, toutefois, que pour l’hindouisme la
réincarnation est un malheur. Le salut ne peut venir que de la
libération de cette nécessité de renaître sans cesse. » [Joseph THOMAS, article cité, p.236]
Ajoutons à cela l’essor et l’influence, en Europe, de nombreux
courants ésotériques prônant l’harmonie universelle entre tous les
éléments du cosmos (le panthéisme du « New Age » entre autres ...etc.),
ainsi que les recherches de parapsychologues contemporains sur
l’influence de personnes défuntes, et l’on comprendra aisément l’attrait
d’une telle représentation, surtout lorsqu’elle prétend être corroborée
par des faits scientifiques !
Une manière de se voiler la réalité de la mort...
Le succès, chez nous, de cette croyance tient pourtant, semble-t-il, à
une raison plus décisive encore : c’est qu’elle participe admirablement
au camouflage généralisé de la mort qui est celui de nos sociétés dites
modernes.
« Nos morts se font discrets. Voyez ce qu’il en est des
funérailles dans les grandes villes. On ne supporte plus que la
séparation définitive laisse des traces trop visibles. Plus de rites de
deuil. Le noir est proscrit, même sur les nouveaux corbillards. A chacun
de se livrer secrètement au travail de deuil. La mort est indécente.
Elle reste présente, mais comme refoulée au sens précis du terme. C’est
sans doute pourquoi l’angoisse qu’elle suscite est devenue plus vive
encore. Aussi se multiplient, de nos jours, les efforts pour gommer son
caractère abrupt. Des croyances rassurantes s’offrent, qui veulent
toutes la dépouiller de son aspect définitif. On ne veut plus qu’elle
demeure ce qui fait de chaque existence un destin irrévocable. »
[ibidem]. La mort fait moins peur si elle est présentée comme un
processus nécessaire et naturel, qui ne ferait d’ailleurs pas
disparaître mon identité profonde, mais seulement l’une de mes
enveloppes corporelles...
Deux notions incompatibles !
Elles s’inscrivent, en effet, dans deux systèmes de pensée irréductibles l’un à l’autre.
Histoire cyclique ou linéaire ?
Pour les uns, l’histoire est cyclique et ne porte en elle aucun
caractère dramatique puisqu’elle n’a rien d’irréversible. Des existences
ultérieures nous permettront de corriger nous-mêmes ce qui a pu être
raté dans notre vie présente.
Pour les chrétiens, au contraire, l’histoire est linéaire, aspirée
vers son accomplissement dans le Royaume. Elle engage du définitif et
pas seulement du provisoire. Elle est le lieu d’un choix décisif, et
bien des paraboles insistent sur l’urgence de se décider pour Jésus, car
un temps viendra où il sera trop tard ! [Mt 24:36-44; Mt 24:45-51; Mt
25:1-13; Lc 16:19-31; etc.]
Processus spontané et naturel ou don gratuit de Dieu ?
Pour les tenants de la réincarnation, la survie procurée par nos
existences successives est une loi de nature. Nous y avons droit. Notre
âme errante ne pourra jamais périr et, grâce à des essais multipliés,
elle obtiendra le salut.
Du côté de la résurrection, nul droit à faire valoir et nul mérite de
notre part; simplement la manifestation de l’amour gratuit de Dieu, à
l’oeuvre aussi bien dans la création que dans la résurrection : « Dieu fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas. » [Rm 4:17]
Le salut par la connaissance ou par la foi en Jésus-Christ ?
Nul besoin d’un Sauveur pour les tenants de la réincarnation : pour
eux, le salut réside dans une connaissance, une gnose, et est promis aux
initiés.
Pour les chrétiens, l’espérance en la résurrection est l’expression, non d’un savoir, mais de la foi en Jésus-Christ Ressuscité.
« La doctrine de la réincarnation affirme la possibilité d’une
nouvelle vie après la mort, par la transmigration de l’âme dans d’autres
corps. Elle fait ainsi du corps un simple support provisoire, banalise
la vie individuelle et lui enlève sa valeur singulière : le prix infini
que Dieu lui accorde. Elle exclut la résurrection de la chair et aussi
la réalité du pardon, puisqu’une de ses raisons serait de nous purifier
de la vie antérieure. Aussi la foi chrétienne, qui tient que chaque
homme est aimé par Dieu de manière unique et éternelle, et qu’il est
destiné à vivre en communion avec lui, rejette formellement la doctrine
de la réincarnation. »
Les évêques de France
Catéchisme pour adultes 1991, no. 643
On peut lire :
- Joseph THOMAS : Résurrection ou réincarnation dans Etudes de février 1991, pages 235 à 243
- Hans KüNG : Le christianisme et les religions du monde, Paris, Seuil, 1986, pages 313 à 334
- La réincarnation" dans n°389 de la revue Fêtes et Saisons, novembre 1984
- Olivier CLÉMENT : Corps de mort et de gloire, Paris, Desclée de Brouwer, 1995, note 1, pages 121-127