À cause des milliers d'amendements déposés par une poignée de députés, la proposition de loi d'Olivier Falorni sur la fin de vie n'a pas été étudiée jusqu'au bout. Cependant ce vote laisse entendre que la loi sur l'euthanasie aurait pu être adoptée ...
“Ultime liberté” contre “rupture éthique” : l’Assemblée nationale a débattu jeudi 8 avril 2021 de l’euthanasie dans une atmosphère polémique, mais sans parvenir, malgré un large soutien, à voter sur un texte complet faute de temps face à des milliers d’amendements.
Le débat s’est arrêté peu après minuit, une règle pour les journées réservées à des groupes parlementaires pour présenter leurs propres textes.
L’examen de la proposition de loi ouvrant un droit à “une fin de vie libre et choisie” du député Olivier Falorni, du groupe Libertés et Territoires, n’y a pas échappé: avec plus de 3000 amendements pour la plupart destinés à la contrer, les travaux n’ont pas dépassé l’article premier.
À défaut d’un scrutin final dans le temps imparti, le texte a reçu un large aval de fait lors du vote - 240 voix pour, 48 contre et 13 abstentions - en fin de soirée d’un amendement de Guillaume Chiche (ex-LREM, non inscrit) qui en reprenait des points centraux sur “l’assistance médicalisée à mourir” ou la clause de conscience pour les médecins. ce vote laisse entendre que la loi sur l'euthanasie aurait pu être adoptée sans la limite technique de temps.
Sur l’euthanasie, l`information est dramatiquement déficiente. Des
milliers de personnes songent qu’elle est une possibilité ultime en cas
de maladie grave sans souvent connaître la réalité de la médecine et des
alternatives à cette mesure ultime. Ils redoutent une déchéance et une
souffrance dont la perspective est d’autant plus cruelle que beaucoup
ont vu autour d’eux des gens mourir difficilement. Que cela ne soit pas
une fatalité et qu’il soit possible d’affronter l’épreuve de la mort
dans une forme de sérénité leur paraît exclue. L’euthanasie
pourrait-elle aussi être une tentation pour les pouvoirs publics
d’économiser des frais de soins coûteux et de ne pas mettre en valeur
comme il se doit les termes des choix qui s’offrent à ceux qui se
trouvent dans la situation terrible de la fin de vie.
Une coproduction KTO/MERAPI PRODUCTIONS 2019 - Réalisée par Bruno Aguila

Que
faut-il en penser ?
Eléments de réponses du père Jean-Marie Onfray
En conscience
Une forte proportion de députés viennent de
proposer une loi pour une « fin de vie libre et choisie », cinq ans
après la loi Claeys-Léonetti. Ainsi la question de l'euthanasie (ou du
suicide assisté) revient dans l'actualité portée par un lobbying
incessant depuis quelques années. Au nom de la liberté, certains
voudraient permettre à ceux qui "en ont assez" une aide à disparaître
dans la légalité. Devant l'apparente évidence de la proposition, il est
indispensable d'inviter à la réflexion.
Indécence en période de covid
Alors que dans le monde entier, tous les
professionnels de santé se battent pour sauver des vies, en particulier
celles des plus anciens et des plus fragiles, il est indécent de poser
la question de l'aide à mourir. Nous savons tous combien la pandémie a
mobilisé pour que la vie triomphe dans ce combat avec le virus et nous
avons tous souffert devant ces morts peu accompagnées et parfois devant
l'absence de célébrations dignes. La crise sanitaire nous a provoqués à
mesurer le prix de chaque vie humaine et l'importance des liens humains
qui aident à lui donner sens.
Mourir dans la dignité
Tout le monde souhaite mourir dans la dignité,
ou plutôt que sa dignité d'être humain soit respectée jusqu'à la mort...
et même après ! La dignité ne tient pas à la bonne santé ou à la
qualité relationnelle. La dignité s'affirme devant toute vie humaine,
même hors d'une référence religieuse. Trop de situations dans le monde
heurtent notre sensibilité et notre jugement quand cette dignité n'est
pas respectée. La dignité est liée à la fragilité de l'existence et à la
finitude qui marquent toute existence. Dans la foi chrétienne, nous y
lisons l'œuvre créatrice de Dieu.
La dimension relationnelle de l'existence
De sa naissance à sa mort, l'être humain est
relationnel. Il n'existe pas par lui-même et pour lui-même. Il se reçoit
des autres et assume sa responsabilité dans le devenir des autres.
Cette main tendue qui fait s'éveiller à la vie le petit d'homme est
aussi celle qui lui permet de traverser les épreuves, les douleurs et
les souffrances. Dans l'approche de la fin de vie, l'être humain a
besoin de sentir la présence de ceux qui l'aiment, il a besoin de
s'exprimer et d'être écouté. La fin de vie n'appelle pas le déni et le
silence gêné. Il est urgent de juguler la douleur pour permettre une
relecture de vie et une "passation" de témoin. L'affrontement aux
limites dit le prix de chaque vie et la force des relations affectives.
La chance des soins palliatifs
Devant une médecine de plus en plus technique,
l'émergence des soins palliatifs est une chance, trop peu exploitée. Les
soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une
équipe pluridisciplinaire, en institution ou à domicile. Ils visent à
soulager la douleur, à apaiser la souffrance physique, à sauvegarder la
dignité de la personne malade et à soutenir son entourage. Nous avons en
France, 152 unités de soins palliatifs, 426 équipes mobiles et 107
réseaux. Nous savons tous que cela est nettement insuffisant devant les
plus de 600 000 morts chaque année dont 59% à l'hôpital. Il faut
développer les soins palliatifs.
Affronter les douleurs résistantes
Nous savons que certaines fins de vie
médicalisées posent la question légitime de l'obstination déraisonnable.
La loi Claeys Léonetti de 2016 offre cette possibilité en phase
terminale d'une affection grave et incurable de mettre en place une
sédation profonde et continue jusqu'au décès du malade, associée à une
analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie.
Toute personne majeure et capable peut rédiger des directives
anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa
volonté. Ces directives anticipées sont révisables et révocables à tout
moment. Mais Didier Sicard a raison d'écrire : « Le progrès d’une
société aujourd’hui comme nous l’a appris le vingtième siècle, se mesure
à sa capacité de développer la solidarité, en protégeant et en
entourant les plus faibles et non à faciliter leur disparition ».
On meurt mal en France !
Ce slogan est souvent répété. Il ne vise
personne précisément ou plutôt, il nous invite à regarder "en
conscience" comment notre société ultralibérale renvoie chacun à sa
solitude existentielle. Même en situation de pandémie, les soignants
font tout pour être humainement présents aux personnes en fin de vie,
dans les différentes institutions de santé. Mais dans nos rythmes et nos
choix de vie, quelle place donnons-nous à la gratuité de la présence, à
l'accompagnement des situations douloureuses ? Comment redécouvrir que
la "bonne mort" est celle que l'on peut nommer lorsqu'elle approche et
dont on souhaite parler en partageant nos sensibilités ? Le paradoxe est
que le terme "euthanasie" veut dire étymologiquement "bonne mort" en
confondant le "laisser mourir " et le "faire mourir". Entrer dans une
logique de donner la mort pour soulager ne peut qu'interroger les
consciences.
Père Jean Marie Onfray, directeur adjoint du service national Famille et Société
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